Discurso na Assembleia Nacional (versão francesa)

Assembleia Nacional, Paris, França
12 de Abril de 2005


Monsieur le Président,

C’est pour moi un grand honneur de répondre à votre invitation et de prendre la parole devant cette Assemblée nationale, où se fait entendre la voix souveraine d’un peuple auquel nous sommes rattachés par tant de liens et de réminiscences. Il s’agit d’un geste ami envers le Portugal, dont j’apprécie particulièrement la signification en tant qu’ancien parlementaire. C’est pourquoi je remercie très chaleureusement tous les représentants d’un pouvoir que Victor Hugo disait être invincible car il condensait en lui toute la force de la nation.

Monsieur le président,
Mesdames et messieurs les députés,

En prenant la parole dans ce lieu sacré de la démocratie européenne, je ne puis m’empêcher de ressentir une certaine émotion. Je regarde votre hémicycle et, par un automatisme presque imperceptible, j’aligne des noms et des instants de votre histoire parlementaire – Lamartine, Hugo, Jaurès, Clemenceau – appris au fil de mes lectures de jeunesse et qui, en fin de compte, ont servi d’assises à ma formation en tant qu’être humain et homme politique. Ce faisant, je me souviens avec émotion, que c’est dans cette Assemblée nationale, en sa demeure actuelle et dans celles qui l’ont abritée précédemment, qu’ont été ébauchés quelques-uns des traits juridico-constitutionnels qui donnent à l’Europe et aux démocraties le visage éthique que nous leur connaissons aujourd’hui. Cela s’est fait, bien entendu, au cours de cet instant majeur de l’humanité que représente l’élaboration, par vos prédécesseurs, de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen; mais également, et pour ne citer qu’elles, au cours des batailles généreuses en faveur de la défense des droits individuels, du respect du suffrage universel, de la liberté de presse, de l’école publique, de l’émancipation sociale des travailleurs et, enfin, de la légalité républicaine.

J’appartiens, en effet, à une géneration de Portugais que doivent beaucoup à la culture française et ont établi avec elle, pour le restant de leur vie, un pacte inébranlable d’amitié et de complicité. Sans en avoir réellement conscience alors, nous recherchions dans celle-ci, au travers de ses différentes étapes et de ses différents auteurs, non seulement des idées et des expériences, mais aussi le réconfort d’une conviction: que notre lutte pour la liberté et la démocratie serait couronnée de succès.

Le Portugal vivait, à cette époque-là, sous la chape de plomb d’un régime bloqué par des barrières arbitraires reposant sur la peur qu’il avait lui-même construites au fil des décennies. Ignorant les changements qui se produisaient dans le monde, le vieux dictateur n’avait pas été capable de suivre le courageux exemple de De Gaulle et, “fier d’être seul”, s’était laissé entraîné dans une violente guerre coloniale qui isolait le pays sur le plan diplomatique, hypothéquait son développement et multipliait, simultanément, les mouvements d’exil et d’émigration.

Pour la génération universitaire à laquelle j’appartiens, cette période traduit un apprentissage de la citoyenneté, sous la forme de véritables leçons pratiques de vie, que nous remplissions de débats passionnés, de timides actions clandestines ou de fuites aux persécutions policières. Et, une fois encore, comme à d’autres époques, lors de précédentes crises nationales, c’est vers la France que la grande majorité d’entre nous se tournait: vers ses écrivains, vers ses journaux et revues, voire même vers ses polémiques idéologiques. En fin de compte, c’était un chemin auquel nous nous étions habitués, tout jeunes encore, avant d’échanger notre quotidien insouciant contre des préoccupations politiques autrement plus sérieuses, lorsque – au travers des reportages de Radio France Internationale – nous franchissions les Alpes du “Tour” avec Bobet; au cinéma, nous perfectionnions notre français avec Gabin et Gérard Philippe et nous nous prenions d’amour pour Jeanne Moreau et, plus tard, Deneuve; nous partagions fréquemment nos goûts musicaux entre Piaf et Greco; ou alors, en compagnie de Brassens, nous visitions le marché de “Brive-la-Gaillarde”, où il n’était pas rare de croiser quelques “gendarmes mal inspirés”.

Par la suite, après avoir rapidement traversé la sinistre Espagne franquiste, la France surgissait – réponse à nos attentes et aux multiples doutes qui nous hantaient – comme la grande porte amie ouverte sur une Europe alors mythique et distante. Nous allions dans vos librairies dépenser nos maigres économies pour acheter des livres bannis au Portugal; voir, d’affilée, dans les salles de la Rive Gauche ou à la cinémathèque de Langlois, les films décrits dans les Cahiers du Cinéma; saisir les couleurs, les lignes et les abstractions de vos impressionnistes et de vos cubistes; oú, tout simplement, pour mettre une touche finale à la fête, respirer la liberté dans une quelconque brasserie de St.-Germain.

Paris était, alors, la patrie de nombreux exilés politiques portugais, que l’on retrouvait dans plusieurs cafés du Quartier Latin, où ils avaient des places pour ainsi dire réservées et qu’ils choisissaient en fonction de leur credo idéologique. Ils tentaient de survivre économiquement en donnant des cours (le plus connu d’entre eux était Mário Soares) ou grâce à des petits boulots occasionnels, notamment comme concierges de nuit d’hôtels modestes, où ils amélioraient leurs connaissances linguistiques et usaient de stratagèmes pour organiser de petites réunions de conspiration avec les compatriotes tout juste arrivés de Lisbonne.

De retour à Lisbonne, nous lisions l’Express de Servan-Schreiber et le bloc-notes de Mauriac, qui allait renforcer la volonté de décolonisation de beaucoup d’entre nous; nous discutions Camus et son humanisme; nous puisions chez Mendès France la garantie de la compatibilité entre la politique et l’éthique; soutenus par les catholiques de gauche, nous établissions des ponts avec la revue Esprit de Mounier; avec plus d’emportement, nous débattions les positions de deux de vos penseurs dont on célèbre le centenaire, nous répartissant entre ceux qui, comme ici d’ailleurs, préféraient errer avec Sartre plutôt qu’avoir raison avec Aron; émus, nous lisions les mots de Malraux sur l’entrée au Panthéon de Jean Moulin (que nous considérions également comme l’un des nôtres) accompagné par son “terrible cortège du peuple né de l’ombre”.

Nous appartenions, il est vrai, au groupe privilégié qui avait accédé à l’enseignement universitaire et, par la suite, aux professions libérales. Ainsi, lorsque nous venions à Paris, nous croisions la triste réalité de l’exode des années soixante, qui obligeait des centaines de milliers de Portugais à traverser clandestinement les frontières ibériques pour trouver, dans les pénibles travaux de construction de votre prospérité, une perspective d’avenir, révélant simultanément l’image cachée d’un pays qui se vidait de ses hommes, de ses resources e de ses espoires.

Le temps, qui nous semblait insupportablement long et presque suspendu, fabriquait, cependant, sa toile d’événements et d’impondérables. C’est ainsi que, ayant passé trois jours à huis clos dans un conclave de conspiration, organisé quelque part non loin d’ici, avec mille soins et dans le plus grand des secrets, entre oppositions portugaises de l’intérieur et de l’extérieur, pour tracer les stratégies d’un avenir que personne n’imaginait immédiat, j’achète Le Monde et y apprends que le vieux dictateur est malencontreusement tombé de sa chaise. Ainsi se refermait, par un simple fait divers banal aux allures de vaudeville, un long chapitre de la vie portugaise et commençait – pour le régime – une agonie qui durerait encore sept longues années jusqu’à ce matin inattendu et libérateur de la Révolution d’avril.

Vous me pardonnerez cette évocation, assurément longue, de mes souvenirs et de mon expérience personnelle d’une époque qui, pour beaucoup d’entre vous, paraîtra lointaine. (Pour moi, c’est comme si c’était hier). Mais j’ai décidé de faire ce détour en guise d’hommage, simple mais sincère, d’une génération portugaise, ma génération, dans cette maison de la liberté, à la France solidaire et fraternelle, seconde patrie de tant de Portugais, pour lui exprimer notre éternelle reconnaissance.

Monsieur le président,
Mesdames et messieurs les députés,

Le Portugal que j’ai l’honneur de représenter ici aujourd’hui a su, depuis lors, consolider pleinement sa démocratie, réaliser de profondes transformations, briguer le progrès et la modernité. Le chemin n’a pas été facile, car, dans le contexte d’une grave crise énergétique internationale, il a fallu gérer, au début, de profondes tensions politiques, modérer les utopies et, simultanément, absorber, de façon organisée et révélatrice de la capacité d’intégration d’un peuple au long passé, presque un dixième de sa population, déplacé d’Afrique par le démantèlement tardif de l’Empire.

En ces moments fondateurs de la nouvelle démocratie portugaise, l’adhésion à ce que l’on appelait alors la Communauté européenne a joué un rôle décisif, en garantissant l’irréversibilité du processus démocratique entrepris par le pays et l’appui indispensable pour réaliser les importantes tâches de rénovation, elles aussi bénéfiques – comme l’a été la PAC en France – à la cohésion souhaitable de l’espace européen. Entraîné pendant des siècles, par sa géographie et son histoire, dans l’exaltante aventure des découvertes, le Portugal revenait ainsi dans le giron de l’Europe, dont il avait, en fin de compte, aidé à diffuser les valeurs et la culture auprès d’autres peuples et sur d’autres continents. Cette option politique a été prise sur la base d’un consensus entre partis presque unique en son genre, avec l’heureuse sensation que seule celle-ci permettrait au pays de mobiliser les énergies nécessaires aux profondes transformations internes et de répondre correctement aux défis externes, en élargissant les échanges et les ententes.

La participation au projet d’intégration européenne a permis aux Portugais d’entrer dans une nouvelle ère, en comptant sur l’appui lucide, en ces débuts difficiles, d’un Français à qui l’Europe doit beaucoup – Jacques Delors. Celle-ci a permis de mettre un terme à un isolement diplomatique contraire à la tradition séculaire d’un peuple; elle a facilité l’ouverture de voies de développement longuement ajournées; elle a renforcé la mentalité ouverte et exigeante de la population; elle a permis d’obtenir des droits de citoyenneté en faveur des vastes populations émigrantes; elle a agrandi l’espace national d’intervention extérieure, notamment dans les zones où la présence historique des Portugais est ancienne et avec lesquelles nous maintenons aujourd’hui de très étroits liens d’amitié.

Alors que l’Europe traverse actuellement une période complexe et, assurément, fondamentale pour l’avenir de son projet, il convient de mentionner l’expérience portugaise et de rendre hommage à deux Français – Monnet et Schuman – qui ont su écarter les scepticismes et concevoir l’idée généreuse d’un continent finalement en paix, solidaire et uni dans sa diversité. Ce qui n’était alors, pour beaucoup, qu’une utopie irréalisable, constitue aujourd’hui une victoire du multilatéralisme et du droit et, sans aucun doute, la construction politico-diplomatique la plus remarquable d’un siècle fait d’ombres et, dans une large mesure, maudit. Pour cette raison, alors que la conjoncture internationale nous lance de nouveaux défis, menaces, risques et responsabilités, il serait utile de regarder en arrière et d’observer le chemin déjà parcouru, pour en retirer des leçons et, surtout, la confiance nécessaire à l’accomplissement de notre destin commun d’Européens. Car, malgré certaines hésitations sans raison d’être, il est important de mettre en avant – outre ce bien sans prix que représente la paix – l’ensemble des progrès que le projet intégrateur a jusqu’ici réalisés: je pense à l’élargissement à l’est, qui a corrigé d’inacceptables fractures sur notre continent; à la réalisation du marché unique, base de prospérité et de coopérations; à la création de la monnaie unique, extraordinaire moment fédérateur, ainsi qu’à l’établissement de la citoyenneté européenne; je pense, enfin, au renforcement permanent de la politique régionale, instrument indispensable à la cohésion et à la solidité du territoire européen.

En paraphrasant Monnet qui, dans une période elle aussi difficile, insistait sur le besoin de continuer, “de continuer toujours avec détermination”, il nous incombe à tous, responsables politiques ou simples citoyens, de faire en sorte que l’Europe occupe, dans ce monde actuel en constante transformation, la position d’intervention et d’influence qui lui revient, en vertu de son histoire, de ses valeurs, de ses capacités intrinsèques et de ses intérêts. Et si le processus de construction européenne est parvenu, certes de façon pas toujours linéaire, à définir et à exécuter des objectifs répondant à de profondes modifications géostratégiques et sociétales, il importe que ses décideurs – dans les diverses institutions où ils se répartissent – s’intéressent le plus rapidement possible à l’établissement d’un espace public européen effectif. En réalité, il reste encore beaucoup à faire, dans tous les États membres, avant que ne s’exercent, de façon différente et éclairée, les devoirs de participation résultant de la nouvelle citoyenneté à l’échelle du continent. L’exercice de ces devoirs nous permettrait, à tous, de mieux prendre conscience non seulement des réalisations et des finalités de l’entreprise qui nous réunit, mais encore de notre diversité culturelle, en vue de la création d’un indispensable lien affectif entre chacun d’entre nous et cette grande patrie, qui est aussi notre seconde patrie.

Dans ce contexte, nous voulons que le débat au Portugal tente de clarifier et de mieux faire connaître les objectifs essentiels du projet européen et ne soit pas entravé par des controverses ou des émotions qui lui sont étrangères. Pour ce faire, nous insistons auprès de nos citoyens sur le fait qu’il s’agit d’un moment extrêmement délicat pour notre parcours commun et que les blocages ou les éventuels reculs, tout aussi légitimes que puissent être les doutes de certains, ne contribuent pas à l’objectif prioritaire de protéger la normalité de ce processus. D’autant plus que – nous n’avons cesse de faire passer ce message à tous ceux qui constituent l’opinion publique portugaise –, dans ce siècle qui vient à peine de commencer, le temps est, chaque fois plus, pour les décideurs politiques, un bien rare, raison pour laquelle il importe surtout de prôner, sans plus tarder, une affirmation accrue de la capacité européenne: tant sur le plan de la cohésion interne, que sur l’échiquier international, aujourd’hui secoué par les réalités contradictoires de la globalisation et par l’érosion préoccupante du système multilatéral.

Monsieur le président,
Mesdames et messieurs les députés,

Unis par une relation historique très ancienne, le Portugal et la France ont souvent été sur la même ligne de défense des priorités et des stratégies, tant sur le plan bilatéral, que dans le cadre de l’Union européenne.

En effet, nous partageons, malgré des intérêts et des sensibilités propres à chacun, une approche identique sur diverses matières et coopérons de façon étroite à la définition de positions et de politiques communes. Ainsi, nous souhaitons préserver l’unité de l’action européenne, comme il est fait mention dans le Traité, car c’est d’elle que dépendra en grande partie sa capacité d’intervention extérieure; nous sommes préoccupés par la persistance impune des nombreuses atteintes aux droits de l’homme, qui défient les normes éthiques et politiques de la communauté internationale et dont Darfour n’est que l’exemple le plus récent; nous sommes alarmés par les énormes et insupportables poches de pauvreté disséminées dans le monde, ainsi que par la fragilité de la lutte contre les pandémies qui déciment les populations et hypothèquent l’avenir de plusieurs États; nous sommes inquiets de l’absence de règles face à une globalisation porteuse de potentialités, mais également de terribles exclusions; nous observons avec appréhension le phénomène du chômage et les secousses qui ébranlent le modèle social européen, patiemment conquis; enfin, nous suivons avec beaucoup d’espoir le processus de réforme du système des Nations Unies, car de sa consolidation dépendra le renforcement de la légalité internationale.

Simultanément, parce que nous sommes détenteurs d’expériences historiques semblables et que nous provenons de la même matrice culturelle latine, où nous puisons valeurs et sensibilités, nous nous sommes engagés ensemble dans la défense d’un cadre de relations plus ambitieux avec les pays du bassin méditeranéen, en insistant sur l’urgence de stratégies porteuses de développement et de sécurité commune, ainsi que d’un dialogue respectant les différentes traditions culturelles et religieuses; nous n’avons cesse d’attirer l’attention de nos partenaires et alliés sur la nécessité de ne pas abandonner une partie de l’Afrique subsaharienne à son triste sort; nous soutenons les politiques européennes de resserrement des relations avec l’Amérique latine, en particulier avec le Mercosul, importante initiative d’intégration régionale.

Bien évidemment, dans notre village planétaire, où il n’est désormais plus possible d’utiliser l’alibi d’une éventuelle méconnaissance de la réalité, les grandes questions du quotidien international nous interpellent et nous mobilisent également. Et puisque l’Atlantique continue d’être, pour le Portugal, la voie stratégique de communication tracée par l’Histoire, il est facile de comprendre que nous préconisions un dialogue normalisé entre l’Europe et les États-Unis, basé sur le respect mutuel et sur des valeurs communes, sans arrogances, impositions ou méfiances, car seul ce cadre d’entente favorisera l’entraide et la coopération nécessaires à la résolution des problèmes d’un monde chaque fois plus réfractaire aux hégémonies, au sein desquelles naissent de nouveaux et puissants pouvoirs régionaux.

Ainsi l’exige – pour ne citer que les situations particulièrement urgentes – l’agenda actuel, en vue de parvenir à normaliser une conjoncture internationale complexe et à lutter efficacement, sur les fronts du développement et de la sécurité, contre le méga-terrorisme et le crime organisé. Ainsi l’exige, en fin de compte, une obligation incontournable de résultat, pour mettre un terme au conflit israélo-palestinien et pour créer des conditions de stabilité et de sécurité au Proche et au Moyen-Orient.

Monsieur le président,
Mesdames et messieurs les députés,

Il est naturel que deux des plus anciennes nations européennes, épargnées des crispations et des contentieux qui ont amené et amènent, parfois, des voisins géographiques à modifier le cours de l’histoire, entretiennent d’étroites relations bilatérales dans divers domaines – de la politique à la culture –, multipliant ainsi les échanges entre leurs peuples. C’est ce qui se passe aujourd’hui entre la France et le Portugal.

Tout d’abord, sur le plan des relations humaines. Votre pays abrite l’une des plus importantes communautés portugaises, dont les membres ont su gagner, par leur capacité de travail, l’honnêteté de leur conduite et la cordialité de leur caractère, le respect du peuple français. Arrivés dans des conditions pénibles, ils sont rapidement parvenus à adapter leur provenance rurale généralisée aux exigences des grandes métropoles et à atteindre une prospérité et une position dont ils peuvent aujourd’hui, à juste titre, s’enorgueillir. Leur intégration méritoire dans la société française ne fait que conforter mon message, maintes fois répété, selon lequel ils pourraient – devraient – être de bons Français, participant activement à la vie locale, tout en restant pleinement fidèles à leurs origines et à leurs racines nationales. Vous permettrez que, devant cette assemblée dont beaucoup sont déjà électeurs, je salue les immigrés portugais de cette période difficile, aujourd’hui à la retraite, mais qui sont les véritables précurseurs de l’actuelle citoyenneté européenne, ainsi que leurs descendants de la deuxième et la troisième générations, qui se sont tout naturellement intégrés dans les divers domaines d’activité de la vie française, notamment dans le monde culturel et dans la sphère politique.

Sur le plan des relations politiques, au-delà de la traditionnelle entente, déjà mentionnée, en tant que partenaires de l’Union européenne, l’orientation inaltérable du renforcement des liens bilatéraux se consolide, grâce à une ligne de concertation et de dialogue permanente. C’est ce que démontrent clairement les fréquents contacts à divers niveaux entre les deux États et la récente création de sommets entre gouvernements.

En matière de relations économiques, la France occupe, depuis quelques années, une des trois premières places comme fournisseur, investisseur et client. Le volume commercial commun présente déjà une importance relative remarquable dans le contexte des échanges internationaux des deux pays. A celui-ci, il faut ajouter un flux touristique appréciable, qui génère non seulement des devises, mais également des liens affectifs et des rapprochements.

Dans le domaine culturel, la littérature, le cinéma et la musique contemporaine du Portugal attirent un public français de plus en plus étendu et intéressé; en ce qui nous concerne, nous sommes entièrement disponibles pour soutenir des initiatives qui aident à corriger des uniformisations souvent appauvrissantes, en ravivant l’attention que méritent votre culture et vos créateurs actuels.

Cette base d’amitié commune, dont j’ai si brièvement fait état, nous impose l’obligation indiscutable d’assurer une volonté politique capable d’élargir les coopérations et les accords actuels, notamment sous la forme de partenariats stratégiques à l’intérieur et à l’extérieur de l’espace européen. Nous disposons, pour ce faire, d’un vaste espace au service de la capacité réciproque de réalisation de nos sociétés: qu’il s’agisse de créer une dynamique d’entreprise plus sûre d’elle-même, notamment en tirant parti des expériences utiles obtenues sur d’autres marchés; ou qu’il s’agisse de préconiser une plus grande activité d’échanges entre nos centres universitaires et scientifiques; oú qu’il s’agisse encore de susciter une diversification des synergies entre l’espace francophone et l’espace lusophone; à ce propos, l’espace lusophone réunit déjà, dans le cadre des structures de concertation diplomatique de la CPLP (Communauté des pays de langue portugaise), huit pays, sur quatre continents, et deux cents millions de personnes liées entre elles par la même langue.

Un écrivain portugais a écrit que “l’universel, c’est le local sans les murs”. Dans l’espace européen solidaire de nos jours, il n’existe pas de murs entre la France et le Portugal. Ceci étant, osons être ambitieux dans le développement de nos relations: ainsi l’exigent l’histoire commune de notre latinité partagée et cette notion d’Europe, conçue chez vous, que, j’en suis convaincu, nous parviendrons, sur une base de coopération et de confiance, à poursuivre et à exalter.