Discours de Son Excellence Le Président de La République Portugaise, Monsieur Jorge Sampaio, Lors de La Présentation des Vœux par Le Corps Diplomatique Accrédité a Lisbonne

Palais de Queluz
11 de Janeiro de 2006


Mesdames et messieurs les Ambassadeurs et Chefs de missions

Un grand merci pour vos aimables propos et les vœux de bonne année que vous venez de m’adresser. À mon tour, je vous fais part de mes vœux les plus sincères et vous demande de vouloir bien transmettre aux chefs d’État que vous représentez mon plus vif souhait pour que 2006 soit une année de paix, de concorde et de prospérité.

Cette cérémonie revêt pour moi un caractère tout particulier, puisque c’est la dernière fois que je reçois vos bons vœux. À cette occasion, j’aimerais vous dire que j’ai toujours éprouvé, en tant que président de la République, un grand plaisir à être en contact avec les ambassadeurs étrangers accrédités à Lisbonne. Au-delà de vos qualités personnelles et des bénéfices que j’ai retirés de vos connaissances et de votre expérience, votre présence elle-même a toujours été pour moi motif de satisfaction, car elle symbolise l’amitié qui unit le Portugal aux pays que vous représentez ici.

Par son passé, par sa position géographique, par la présence d’importantes communautés portugaises dans divers pays, par le rayonnement de sa langue et, bien entendu, par son appartenance politique à la communauté internationale, en tant que membre de l’Union européenne et, sur un autre plan, de l’Alliance atlantique, le Portugal entretient des relations privilégiées avec un grand nombre de pays, sur tous les continents, et des intérêts très diversifiés, d’ordre à la fois politique, économique et culturel.

Le principal foyer d’attention de notre politique extérieure, c’est l’Europe. Notre participation au projet d’intégration européenne est irréversible et détermine, sous plusieurs aspects, notre présent et notre avenir, car nous considérons l’Union européenne comme une véritable communauté de destin à laquelle nous sommes indissociablement liés. C’est au sein de l’Union européenne qu’est faite une partie importante des lois qui nous gouvernent et que sont définies les règles que nous nous sommes librement engagés à respecter. C’est au sein de l’Union européenne que se trouvent nos principaux partenaires économiques. C’est au sein de l’Union européenne, dans un processus permanent de concertation et de dialogue, que nous définissons les aspects fondamentaux de notre politique extérieure.

Les dix dernières années ont été une période de grande expansion et dynamisme pour l’Union européenne. Deux facteurs particulièrement importants doivent être signalés: l’introduction de la monnaie unique et l’élargissement à 25 États membres, en application depuis le 1er mai 2004. Cette période s’est également caractérisée par une grande activité dans la définition des nouvelles règles de fonctionnement intérieur de l’Union. Les traités d’Amsterdam et de Nice ont pu être conclus et les négociations autour d’un traité constitutionnel pour l’Europe ont pu être menées à bon terme.

L’année 2005 a, cependant, été assombrie par le résultat négatif des reférendums sur la Constitution organisés en France et aux Pays-Bas. Ce rejet de la Constitution a engendré une grave crise politique, d’autant plus qu’il a été dicté par des scrutins à forte participation dans deux des pays fondateurs. Il faudra du temps, de la patience et du bon sens pour surmonter cette crise. Néanmoins, l’Union a déjà démontré que sa capacité de décision reste intacte, en menant à bon terme les négociations sur les perspectives financières pour la période de 2007 à 2013 et en confirmant sa décision d’engager des pourparlers d’adhésion avec la Turquie, pour ne citer que deux thèmes particulièrement importants sur le plan politique.

Si l’Union européenne fournit un cadre juridique, politique et économique essentiel pour le Portugal, notre capacité de défense continue de dépendre, dans une large mesure, de l’Alliance atlantique. Les dix dernières années ont également constitué, pour l’Alliance, une période particulièrement dynamique marquée, essentiellement, par deux faits significatifs: l’élargissement et une nouvelle interprétation de ses missions, qui l’ont amenée à intervenir dans différents théâtres d’opérations, notamment en Bosnie-Herzégovine, au Kosovo et en Afghanistan.

Pour le Portugal, prendre part à ces missions représente une évolution importante dans sa politique extérieure, une démonstration de maturité du régime démocratique, désormais capable d’assumer des responsabilités internationales, et une contribution importante à la modernisation et au prestige des forces armées. L’année 2005 a, hélas, été endeuillée par la première perte d’un membre des forces armées en mission, survenue en Afghanistan, mais cela ne nous empêchera pas de continuer à assumer nos obligations.

La Communauté des pays de langue portugaise est un autre élément-clef de notre politique extérieure. Mes deux mandats ont coïncidé avec les dix premières années d’existence de cette organisation. La CPLP n’est pas, et ne peut naturellement pas, être considérée comme une alternative à notre appartenance aux institutions euro-atlantiques. Elle représente un espace de solidarité basé sur une histoire commune et sur le partage d’une langue qui est la troisième langue européenne la plus parlée dans le monde et l’une des rares à continuer son expansion.

Je suis pleinement convaincu qu’au cours de cette période, grâce à l’existence et à l’action de la CPLP, les pays de langue portugaise et les peuples qui les habitent ont renforcé leur connaissance réciproque et leur coopération mutuelle. Dans le cadre de la CPLP, nous avons pu assister au développement d’innombrables réseaux de contacts entre les sociétés civiles de ses membres, à l’élargissement des contacts entre leurs gouvernements respectifs, à l’échange de savoirs et d’expériences, à la définition d’une action commune au sein des organismes internationaux. Ainsi, la CPLP est aujourd’hui une organisation consolidée, dont le champ d’action continuera certainement à s’élargir.

En tant que membre actif de plusieurs autres structures de concertation multilatérale, auxquelles il accorde une grande importance, en particulier les sommets ibéro-américains et le processus de Barcelone, le Portugal attribue une valeur toute particulière à sa qualité de membre de l’Organisation des Nations Unies. En effet, le Portugal estime que le progrès des relations internationales doit reposer sur le strict respect du droit, ce qui implique une défense intransigeante des principes de base du multilatéralisme. Nous considérons, par conséquent, que les Nations Unies et leurs organes spécialisés jouent un rôle irremplaçable et d’une importance décisive sur la scène internationale. Malgré certains obstacles, ce rôle s’affirme de plus en plus fermement à l’heure de la mondialisation.

En 2005, j’ai eu le grand honneur de représenter le Portugal au sommet organisé pour célébrer le soixantième anniversaire de la fondation des Nations Unies, lequel a donné une grande impulsion au processus de réforme de l’organisation. Dans le cadre de cette réforme, nous sommes particulièrement satisfaits de la création de la commission pour la consolidation de la paix, car, à l’origine, il s’est agi d’une proposition portugaise. Il est essentiel de prolonger la dynamique de ce processus; il est particulièrement important d’obtenir, en 2006, des accords sur certaines affaires pendantes, parmi lesquelles je tiens à mentionner la fixation des modalités de fonctionnement du nouveau Conseil des droits de l’homme. J’aimerais également mentionner, à ce propos, le choix, en 2005, de M. António Guterres comme Haut commissaire aux réfugiés des Nations Unies, le poste le plus élevé qu’ait jamais occupé un Portugais à l’intérieur du secrétariat de cette organisation.

Priorité du processus d’intégration européenne; fidélité à l’Alliance atlantique; développement de la CPLP; respect du droit international et renforcement de la diplomatie multilatérale, dans le cadre des Nations Unies: tels sont les axes fondamentaux de notre politique extérieure, qui font l’objet d’un vaste consensus au sein de la société portugaise. Je suis convaincu que ces quatre piliers vont continuer de déterminer notre politique extérieure, laquelle ne doit cesser de défendre les intérêts portugais, tout en allant à la rencontre de l’intérêt de la communauté internationale.

Mesdames et messieurs les Ambassadeurs

L’année qui vient de s’écouler a également été ponctuée par quelques événements que je tiens à mentionner. Cette année a été marquée par d’impressionnants désastres naturels et les séquelles du tsunami de la fin 2004, par les effets dévastateurs de l’ouragan Katrina sur la Nouvelle-Orléans et par le terrible tremblement de terre survenu dans le nord du Pakistan. Je ne peux m’empêcher de réaffirmer, à cette l’occasion, ma profonde solidarité avec les pays affectés et les dizaines de milliers de victimes de ces cataclysmes.

De même, je ne peux pas ignorer les attentats terroristes survenus cette année à Londres, Amman et Bali, que je condamne énergiquement et répudie vivement. La lutte contre le terrorisme international et contre son idéologie de haine et de fanatisme ne doit cesser de constituer une priorité internationale.

Hélas, 2005 a été, une fois de plus, une année de grande violence et de tension au Moyen-Orient. C’est le cas en Irak, où l’on est encore loin de connaître une période de paix, bien que l’on ait enregistré, comme point positif, une grande affluence aux urnes lors des scrutins qui se sont tenus dans ce pays. C’est le cas également au Liban, où une série d’assassinats politiques absolument condamnables ont été perpétrés. C’est le cas, enfin, du conflit entre Israël et les Palestiniens, même si, dans ce cas, l’on observe un mouvement positif dans un conflit bloqué depuis des années: je pense au retrait d’Israël de Gaza et au démantèlement de ses colonies sur ce territoire et sur une petite partie de la Cisjordanie.

Mesdames et messieurs les Ambassadeurs

En guise de conclusion, j’aimerais rappeler les visites d’État que j’ai eu le plaisir d’effectuer au long de 2005, en République populaire de Chine, en France, au Chili et au Royaume de Belgique, ainsi que celles qui se sont déroulées dans d’autres contextes, au Japon, en Espagne, au Royaume-Uni, en Italie, en Finlande, au Paraguay, au Mozambique et en Angola. Je tiens également à adresser une parole d’amitié aux chefs d’État que j’ai eu l’honneur de recevoir au Portugal: sa Majesté le roi d’Espagne, les présidents du Mozambique, de la Turquie, de l’Algérie, de la Slovaquie et de l’Estonie – sans oublier, bien entendu, le secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, avec lequel nous avons développé un travail très fécond au cours de ces dix dernières années. Toutes ces visites ont eu pour objectif d’approfondir des amitiés, de consolider des ententes et d’élargir des coopérations.

Pour terminer, je rappellerai que l’année écoulée a été marquée par la fin du pontificat de Sa Sainteté le pape Jean-Paul II, dont j’ai pu assister aux obsèques en représentation de l’État portugais, et par l’élection d’un nouveau pape, Benoît XVI, à qui j’adresse mes plus respectueuses salutations, exprimant ainsi le sentiment de la nation portugaise. Je ne peux m’empêcher, à cette occasion, de regretter l’absence, pour des raisons de santé, de Son Excellence Révérendissime le nonce apostolique, à qui je souhaite un prompt rétablissement.

Vous remerciant de votre présence, je vous souhaite à tous une excellente année 2006. Merci beaucoup de votre attention.